
L’univers du jeu vidéo connaît une mutation rapide, portée par les réseaux sociaux, les plateformes de streaming comme Twitch ou YouTube, et l’influence grandissante des créateurs de contenu. Désormais, le succès d’un jeu ne dépend plus uniquement de ses qualités techniques ou artistiques, mais aussi de sa visibilité immédiate, de son potentiel viral, et de sa capacité à générer de l’engagement rapide. L’exemple récent de Clair Obscur: Expedition 33, jeu indépendant français qui a captivé les réseaux dès son trailer à la Summer Game Fest 2024, est révélateur. Avec son univers visuel saisissant, son esthétique inspirée de la peinture classique et son système de combat au tour par tour mêlé à des mécaniques d’adresse en temps réel, il a déclenché un torrent d’analyses, de réactions en chaîne, et de vidéos « premières impressions ». Mais cette réception fulgurante soulève une question centrale, dans cette culture de l’instant, aimons-nous les jeux pour ce qu’ils sont… ou pour ce qu’ils représentent sur nos écrans ?

1)L’instantanéité comme norme dans le paysage vidéoludique :
La culture de l’instant privilégie l’émotion immédiate, la réaction à chaud. Des jeux comme Fortnite, Apex Legends ou Call of Duty: Warzone ont construit leur succès sur des parties courtes, de la gratification rapide, et une esthétique qui attire en quelques secondes. Ils sont pensés pour générer des extraits courts, parfaits pour TikTok ou les « best of » YouTube. Clair Obscur: Expedition 33, à l’inverse, propose une expérience plus narrative et artistique. Pourtant, le jeu a su s’intégrer à cette logique de l’instantané, des images sublimes, une mise en scène intrigante, une ambiance mystérieuse, il n’en fallait pas plus pour que les internautes s’emballent. La qualité du jeu est déjà perçu comme un chef-d’œuvre pour beaucoup… et beaucoup font abstraction de ses défauts.

2)L’impact des influenceurs : nouveaux prescripteurs de tendance :
Les streameurs, youtubeurs et autres créateurs jouent aujourd’hui un rôle d’écho immédiat. Quand Hi-Fi Rush est sorti, sa popularité a explosé en quelques jours grâce à une couverture massive sur les chaînes Twitch et YouTube. À l’inverse, des jeux comme Forspoken a souffert d’une réception froide, amplifiée par des critiques parfois superficielles, mais très partagées. Concernant Clair Obscur: Expedition 33, on a vu naître dès les premières heures un flot de contenus, réactions, breakdowns de gameplay image par image, messages sur X. Certains créateurs influents ont qualifié le jeu de « bijou artistique » ou de « renaissance du RPG européen », ce qui a immédiatement influencé la perception générale. Mais encore une fois, ce phénomène interroge, aimons-nous ce jeu… ou aimons-nous ce qu’on en dit ?

3)La vitesse : montée fulgurante, oubli tout aussi rapide?
Dans cet écosystème saturé, un jeu peut être un phénomène pendant une semaine et être oublié la suivante. On l’a vu avec Multiversus, Fall Guys ou Among Us et Assassin’s creed Shadows. Le pic de popularité est aussi soudain que fragile. La question se pose déjà pour Clair Obscur: Expedition 33. Le jeu a fait forte impression dès sa sortie, mais saura-t-il rester pertinent une fois le buzz passé ? Aura-t-il assez de profondeur pour survivre à la logique de consommation rapide qui caractérise la majorité des joueurs aujourd’hui ? Dans une culture où les jeux doivent constamment fournir du nouveau contenu pour rester visibles, les titres narratifs, plus lents et contemplatifs, courent un risque, celui d’être éclipsés par la prochaine « bombe virale ».

4)Le goût personnel est-il encore possible?
C’est peut-être le point le plus crucial dans cette explosion d’avis, de contenus, d’émotions en direct… avons-nous encore le droit d’aimer ou de ne pas aimer un jeu sans être influencés ? Le cas de Clair Obscur: Expedition 33 illustre cette tension. Beaucoup de joueurs ont été enthousiasmés devant ce jeu parfois parce qu’ils en apprécient sincèrement le style, mais aussi parfois par simple mimétisme social. La beauté du jeu, sa mise en scène, son univers unique donnent l’impression qu’on doit l’aimer. Refuser cet enthousiasme serait presque perçu comme un manque de goût, ou de sensibilité artistique. Dans le même esprit, de nombreux jeux complexes ou atypiques (Disco Elysium, Outer Wilds) souffrent d’un désintérêt initial parce qu’ils ne se prêtent pas bien aux formats de clips viraux. Le joueur moyen, exposé à des dizaines d’avis extérieurs, peine à se faire sa propre opinion. Alors, quand un jeu comme Clair Obscur nous plaît, est-ce une émotion sincère… ou un reflet de ce qu’on nous pousse à ressentir ?

5)Aimons-nous vraiment les jeux auxquels nous jouons?
À force de consommer du contenu vidéoludique à travers les yeux des autres ( streamers, youtubeurs, TikTokeurs ) on peut se demander, est-ce que nous aimons réellement les jeux auxquels nous jouons ? Ou aimons-nous l’idée qu’ils sont « cool », « tendance » ou validés par des créateurs que nous suivons ? Cette confusion entre goût personnel et validation sociale est amplifiée par les mécaniques de recommandation des plateformes. Lorsqu’un jeu devient viral (comme ce fut le cas pour Among Us, Palworld, ou plus récemment Clair Obscur: Expedition 33, qui a fait sensation dès sa sortie avec son univers artistique unique et son système de combat original), il crée une sorte de pression sociale implicite. Si tout le monde en parle, alors il faut y jouer. Si on n’adhère pas, on risque de se sentir « à côté », voire de douter de ses propres préférences. On en arrive parfois à des situations paradoxales, un joueur passe des dizaines d’heures sur un titre non pas parce qu’il l’aime vraiment, mais parce qu’il croit devoir l’aimer. Il enchaîne les contenus sur le jeu, regarde les streams, lit les commentaires et finit par confondre excitation sociale et plaisir personnel. Des jeux plus lents, plus introspectifs comme Death Stranding, par exemple, a été acclamé pour son esthétique et son auteur (Hideo Kojima), mais une partie du public l’a rejeté après quelques heures de jeu, déçue de ne pas y trouver l’intensité promise par les trailers. Il devient alors essentiel de se demander, quand j’aime un jeu, est-ce parce que j’y trouve une résonance intime, ou parce que l’écosystème numérique me l’a « vendu » comme excellent ?

6) Conclusion :
La culture de l’instant a profondément modifié le paysage du jeu vidéo contemporain. Sous l’influence massive des réseaux sociaux, des youtubeurs et des streameurs Twitch, le rapport au jeu devient plus rapide, plus visuel, plus dépendant du regard extérieur. Si cette évolution a permis à de nombreux petits studios d’accéder à la visibilité et à une nouvelle génération de joueurs de s’immerger dans l’univers vidéoludique, elle a aussi engendré une forme de consommation frénétique et parfois superficielle du jeu vidéo. Clair Obscur: Expedition 33 est un symbole parfait de notre époque vidéoludique, un jeu au potentiel immense, mais immédiatement projeté dans la machine à hype. Ce n’est pas sa faute, c’est le fonctionnement même du monde du jeu vidéo d’aujourd’hui, soumis à une culture de l’instant et une économie de l’attention où la perception vaut parfois plus que l’expérience. Face à cela, une seule question mérite d’être posée, comment retrouver notre liberté de goût dans un monde saturé de prescriptions ? Peut-être en acceptant de jouer lentement, à contretemps. Peut-être en osant dire qu’un jeu populaire ne nous plaît pas, ou qu’un jeu obscur nous a bouleversé. Et surtout, peut-être en se rappelant que le plaisir du jeu est d’abord un dialogue entre soi et un univers, non entre soi et une communauté qui like, commente et juge en temps réel.



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